Définir l’agriculture urbaine
Il n’existe pas « une » agriculture urbaine mais « des » agricultures urbaines […] De quelques m2 sur un balcon à la récupération de friches, du jardin partagé aux terrasses ou façades d’immeuble, la ville offre, en pleine terre ou hors-sol, un terrain de jeu immense où le moindre interstice peut parfois se révéler propice à l’implantation d’un potager
L’agriculture urbaine désigne le fait de pratiquer une activité agricole en ville ou en zone périurbaine comme cultiver des végétaux comestibles (fruits, légumes) des plantes aromatiques ou médicinales, élever des animaux (volaille, moutons…). On considère agriculture urbaine les espaces périurbains cultivés à partir du moment où ils ont un lien, un impact sur la ville (par exemple la commercialisation des produits). Selon la FAO, près de 80 millions de personnes la pratique dans le monde. Elle permet de la production alimentaire pour les personnes ayant de faibles revenus.
Historiquement l’agriculture a toujours eu un lien avec la ville. En effet, des activités agricoles telles que l’élevage ou les jardins ont toujours existé en ville, souvent à proximité des habitations afin d’approvisionner en aliments leur propriétaire.
Avec la densification de la population en ville, les parcelles se sont réduites et l’agriculture s’est progressivement écartée des centres villes. Cependant, les jardins y restent présents et sont une des traces d’un passé agricole ancien, avec les trames parcellaires.
Le retour de cette pratique intervient dans un contexte de raréfaction des ressources et de l’augmentation de la population mondiale. Depuis les années 90, le retour de l’agriculture en ville se fait de plus en plus présent du fait de la lutte contre l’insécurité alimentaire et le désir de résilience pour affronter le changement climatique.
Tentative d’épuisement des formes d’agriculture urbaine
L’agriculture urbaine est autant une histoire de formes que de techniques de production, qu’elle concerne le végétal ou l’animal, l’alimentaire ou le social.
Abécédaire des pratiques d’agriculture urbaine
L’inventaire suivant se veut le plus exhaustif possible des opportunités offertes par l’espace urbain et périurbain pour des projets d’agriculture urbaine, en fonction de leur localisation.
Il ne s’agit de reproduire, partout, tout le temps, l’ensemble de ces possibilités. La territorialisation du projet et l’implication des habitants induit cependant des choix.
High Tech vs low tech
On oppose souvent la production en pleine terre et la production « hors-sol » (en bac, en aquaponie, sous serre), souvent en fonction des espaces occupés, mais une distinction plus opérante et pertinente serait à chercher du côté de la technique utilisée.
En effet, si les grandes fermes urbaines (verticales ou sur les toits-terrasses) utilisent bien souvent de la haute technologie, les jardins partagés, familiaux, ou l’agriculture extensive et sobre, se contente souvent de techniques plus simples, plus douces, et plus durables, ce que Philippe Bihouix appelle les low-tech.
La logique de résilience et de sobriété que nous souhaitons privilégier dans ce projet nous amènera à mettre plutôt l’accent sur ces techniques.
Les jardins collectifs
Jardins collectifs, communautaires, partagés, ouvriers, familiaux… Dans ce domaine, la diversité du vocabulaire traduit la diversité des pratiques comme des modes de gouvernance.
Leur point commun est de mettre à disposition d’une ou plusieurs personnes, pour sa consommation personnelle ou le partage, une ou plusieurs parcelles, cultivées en pleine terre. Le principal atout de ces jardins est de pouvoir s’adapter au moindre espace, quel que soit la taille de la parcelle.
Souvent, les outils sont mutualisés et les savoir-faire partagés. Ouverts sur le quartier, ils sont propices aux rencontres, en particulier intergénérationnelles. Ils sont aussi le théâtre d’une réappropriation des techniques vernaculaires de culture et sont souvent associés à la mise en œuvre de nouvelles habitudes alimentaires et sociétales (cuisine de saison, compost…)
Faire face à l’absence d’espace
Pour pallier la carence d’espaces d’un seul tenant réellement cultivables, l’agriculture urbaine conquiert à la fois la verticalité et les sommets. La pression foncière en ville a en effet obligé à penser de nouveaux espaces de production.
Les toits-terrasses végétalisés se sont ainsi développés ces dernières années dans les grandes villes, souvent matière à expérimentation, parmi lesquelles les serres, mais surtout l’hydroponie et l’aquaponie…
Ces deux techniques permettent de s’affranchir de la pleine terre et de cultiver en bacs, soit, dans le premier cas, en utilisant un substrat régulièrement irrigué d’une solution nutritive, soit dans le second, en tirant profit des déjections de poissons comme nutriment pour les plantes, qui purifient alors l’eau. L’aquaponie présente l’avantage d’être un écosystème circulaire.
Source : aquaponie.net
Autre solution, le palissage. Cette technique a connu de beaux jours, notamment dans le quartier des murs à pêches de Montreuil, et connaît aujourd’hui un retour en grâce. Elle permet de cultiver le long des pignons aveugles, ou de murs dédiés à cette pratique, des fruits qui nécessitent en temps normal beaucoup d’espace et de terre, et accessoirement de donner aux arbustes des formes esthétiques.
Les murs à pêches de Montreuil, patrimoine agricole menacé
En grimpant le long de murs ou de tuteurs, les fruits ou légumes cultivés ainsi vont chercher le soleil et s’acclimatent d’un manque d’espace normalement préjudiciable.
Le palissage a parfois pour simple objet de doubler la rentabilisation de l’espace par l’esthétique, lorsqu’il se fait paysager.
A Malaunay, la paroi végétalisée d’une chaufferie biomasse
Source : L. Da Piedade
Les vertus insoupçonnées de l’agro-foresterie
L’agroforesterie désigne les pratiques associant arbres, cultures et/ou animaux sur une même parcelle.
L’arbre est un maillon clé de la production agricole : durant toute sa durée de vie, par sa croissance ou les feuilles qu’il perde, l’arbre contribue à la fertilisation des sols par l’apport de matières organiques et de l’azote.
Ainsi, l’introduction raisonnée et planifiée d’arbres dans les exploitations, si elle n’est pas une solution miracle, permet-elle de diversifier la gestion des parcelles, de restaurer la fertilité d’un sol pollué, d’optimiser les ressources et l’espace, de stocker du carbone…
L’éco pastoralisme et la place de l’animal de ferme en ville
L’éco pastoralisme, qu’on trouve parfois sous l’appellation d’éco pâturage, ou de broutalisme (cette dernière définition étant un clin d’œil au mouvement architectural brutaliste), est une méthode écologique d’entretien des espaces naturels urbains par le pâturage d’animaux herbivores, principalement des ovins.
Permettant de diminuer les coûts de gestion et d’entretiens, de réduire les déchets verts et les nuisances sonores, mais aussi de maintenir une flore diversifiée et de renoncer aux produits chimiques, l’éco paturage se développe depuis 2012, particulièrement en région parisienne. Des collectifs de bergers urbains se créent. La présence animale est appréciée des habitants, qu’il s’agisse des enfants ou des personnes âgées.
Des bergers urbains en pleine transhumance
Bergers Urbains
A cela, on peut ajouter la présence de plus en plus fréquente (et parfois encouragée par les municipalités comme à Châteauroux) de poules, qui présentent le double avantage de produire des œufs et de pouvoir se nourrir des déchets organiques produits par les ménages.
Enfin, n’oublions pas les ruches, qui prennent souvent place sur les toits pour éviter les nuisances et profiter des vents, et permettent la production de miel et le maintien de la biodiversité.
Des formes marginales d’agriculture urbaine
Enfin, de manière plus marginale, on trouve également dans les villes de plus en plus de vignes (comme c’est le cas notamment sur les flancs de la Costière au Havre, grâce à une initiative privée) et de cultures de champignons, lorsque les conditions d’humidité et d’obscurité sont réunies (dans des caves, des friches industrielles ou religieuses).
La permaculture, un mouvement de pensée plus qu’une technique de production
La permaculture est une démarche éthique visant à construire des habitats humains durables en imitant le fonctionnement de la nature.
Concept toujours mouvant, développé par David Holmgren dans les années 70, et adaptable aux lieux où elle s’applique, elle intègre différentes disciplines comme l’écologie, la rénovation urbaine, l’agriculture et la conservation d’énergies.
La permaculture urbaine a pour objectif de changer la relation de la population à l’urbain en incluant les écosystèmes pour participer à un changement des modes de vie, limitant la consommation des ressources et énergies. Elle peut se faire dans tous les types d’espaces de la ville qui sont peu exploités comme les espaces privés de type jardin, balcons ou des toits ; et les espaces publics de type espaces verts ou de voiries, mais aussi par la mise en place de forêts-jardins, ou de parcelles d’agroforesterie.
La permaculture en ville est un moyen de subvenir aux besoins alimentaires tout en utilisant des ressources présentes en ville c’est-à-dire le compost, les déchets verts provenant des jardins.
L’agriculture urbaine, une réappropriation informelle
Il existe également des techniques moins institutionnelles, plus informelles, telles que le mouvement des Incroyables Comestibles ou de Guérilla Jardinière, qui s’installe dans les interstices ou les friches, de manière clandestine, pour agrémenter les villes et sensibiliser aux questions d’autonomie alimentaire.
A quoi sert l’agriculture urbaine ?
La multifonctionnalité est propre à l’agriculture urbaine. Reposant sur la commercialisation des produits, ou sur la pédagogie, en pleine terre ou hors-sol, les différents types d’agriculture urbaine présentent une palette de fonctions en lien avec les besoins des villes : approvisionnement alimentaire, lien social, emplois locaux, biodiversité, trame verte…
La fonction alimentaire
L’approvisionnement alimentaire des villes françaises est très dépendant de l’extérieur, que ce soit des exploitations périurbaines ou de l’importation. Le développement des circuits courts constitue la contribution la plus remarquable, même s’ils ne fournissent que quelques pourcents des produits consommés Les jardins collectifs, quel que soit leur mode de gouvernance, peuvent aussi participer à l’alimentation, en particulier d’un point de vue qualitatif.
Les recherches montrent que les pollutions du sol et de l’air, risques fréquemment évoqués, peuvent exister, même si ce risque est souvent faible.
Les fonctions sociales et éducatives
Certaines fermes urbaines ou périurbaines ouvrent leurs portes au public (ferme pédagogique, cueillette, etc.) et favorisent le lien entre producteurs et consommateurs (Amap, cueillette, etc.).
Les interventions en milieu scolaire se développent, qu’il s’agisse de sensibilisation ou de participation (potager scolaire…). Les jardins collectifs sont également l’occasion de partager autant le savoir que le faire, et surtout de re-créer du lien parmi les habitants, les usagers.
La fonction économique
La création d’emploi local intéresse évidemment les collectivités. Si l’emploi agricole est en général saisonnier, l’agriculture urbaine recourt fréquemment à de l’emploi en insertion, ou à des stagiaires et services civiques, qui constituent déjà un petit pôle local d’emploi, ou servir de tremplins pour des reconversions professionnelles.
La rentabilité économique est quant à elle très variable selon l’orientation ou non vers un système marchand, mais les retours d’expérience ne sont de toute façon pas assez nombreux et anciens pour pouvoir juger de la viabilité économique des projets d’agriculture urbaine, qu’ils soient high-techs ou low-techs.
La fonction environnementale
La diversification des cultures et des modes de production présente un grand intérêt sur le plan de la biodiversité et du recyclage de déchets organiques issues des cantines, de la restauration, etc.
Par ailleurs, l’agriculture urbaine a des externalités positives non négligeables : stockage de l’eau par l’agriculture sur les toits, réduction des îlots de chaleur urbains et, plus globalement, adaptation au changement climatique.
L’agriculture urbaine en quelques chiffres
Trois exemples contrastés d’agriculture urbaine
On recense de nombreux projets d’agriculture urbaine dans le monde, les enjeux climatiques, environnementaux et sanitaires aidant au développement de ces pratiques.
Paris
Paris met en place une politique publique ambitieuse et participative de végétalisation des quartiers, mais aussi d’exploitation des toits et des multiples espaces verts de la capitale en soutien aux initiatives de plus en plus nombreuses d’associations ou de collectifs d’habitants.
L’est parisien est particulièrement bien couvert par ces associations, qui s’approprient les espaces résiduels et les espaces végétalisés pour travailler à la fois sur les vertus sociales, environnementales et alimentaire de leurs projets.
A Paris, une manifestation du Permis de Végétaliser
Deux autres métropoles mondiales nous semblent en revanche apporter un éclairage intéressant sur l’agriculture urbaine aujourd’hui.
Détroit
Détroit, depuis les années soixante, a subi de plein fouet les récurrentes crises économiques, financières et urbaines survenues ces dernières décennies aux Etats-Unis, et est désormais considérée comme une, sinon « la », ville en décroissance – shrinking city en version originale. Le départ massif d’usines, et de résidents, a causé l’apparition de nombreuses friches et d’espaces résiduels où la nature a spontanément repris ses droits.
Detroit a transformé ses faiblesses en opportunités
L’agriculture urbaine s’y est donc très tôt développée, impulsée par des habitants paupérisés, qui y trouvaient là à la fois un support de lien social de voisinage, mais aussi un moyen de subsistance. Depuis plus de vingt ans les projets d’agriculture urbaine s’y multiplient : on compte désormais plus de 1400 fermes urbaines, et le taux de chômage, est passé de 27 à 10% en moins de dix ans, grâce aux savoir-faire acquis et aux revenus dégagés.
Les terrains ont pris de la valeur, une solide communauté bâtie autour des valeurs et des projets s’est constituée, le taux de criminalité a chuté, et l’image de Détroit est aujourd’hui associée à l’agriculture urbaine comme elle l’a été à l’industrie automobile au XXè siècle.
Ce sont là les fonctions alimentaire, économique et sociale qui prédominent.
Montréal
La ville de Montréal comme celle de Paris s’est engagée dans une stratégie de résilience urbaine, au sein notamment du réseau 100 Resilient Cities . Au cœur de la politique publique montréalaise depuis les années soixante-dix, l’agriculture urbaine prend des accents communautaires (on estime aujourd’hui que 30% des montréalais cultivent d’une manière ou d’une autre une des 8500 parcelles) et technologiques.
Entre novembre et avril, la majorité des espaces extérieurs voués à l’agriculture devient inutilisable en raison des rigueurs hivernales. Il n’est donc pas étonnant que ce soit là, à Montréal, que la première serre urbaine juchée au sommet d’un immeuble a vu le jour. Les fermes Lufa délivrent aujourd’hui près de 1000 paniers de produits frais par semaine, cultivés grâce à la technique hydroponique, à l’éclairage LED et à un système de chauffage au gaz l’hiver.
Les fermes Lufa, une autre vision de l’agriculture urbaine
Au ras du sol, Montréal est également considérée comme une des villes les plus vertes du monde, notamment grâce à son réseau de huit grands parcs représentant près de 1700 hectares de végétation et à ses rues végétalisées. La métropole canadienne privilégie donc les aspects environnementaux, économiques et sociaux.
Ces trois expériences différentes, chacune partant des opportunités offertes par le terrain, apportent un éclairage important nous permettant dès lors d’appliquer à notre terrain d’étude les formes d’agriculture urbaine les plus pertinentes.
La politique écologique et environnementale sur le territoire havrais
Le 13 octobre 2014, le Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt promulguait une loi avec quatre axes prioritaires d’actions à mener, centrés sur l’aspect patrimonial : « la justice sociale, l’éducation alimentaire de la jeunesse, la lutte contre le gaspillage alimentaire, […]et la mise en valeur de notre patrimoine alimentaire. ». Son ambition y est plus détaillée dans le Programme National de l’Alimentation (PNA),«La politique publique de l’alimentation doit être ambitieuse, pour répondre aux enjeux et aux attentes des citoyens, des acteurs économiques et des consommateurs, tout en restant réaliste et pragmatique ». A l’échelle de l’agglomération et du Havre, on retrouve cette ambition du PNA inscrite dans le projet de « Toile Alimentaire Locale ». L’enjeu est de localiser les acteurs jouant un rôle dans la dynamique alimentaire locale (producteurs, transformateurs, transporteurs, distributeurs et consommateurs). Dans le but, d’identifier les flux alimentaires existants entre eux pour défendre et soutenir une agriculture périurbaine « adaptée à ce contexte particulier qui lui impose des contraintes (foncières) mais qui lui offre aussi des opportunités économiques ».
Elle s’est dotée d’une feuille de route qui se décline dans quatre objectifs parmi lesquels :
- Préservation du foncier agricole
- Soutien aux filières locales
- Accompagnement aux changements de pratiques
- Connexion entre le monde urbain et le monde agricole
Ces politiques locales doivent permettre à tou-te-s l’accès à une alimentation de qualité, et de développer une économie alimentaire locale, notamment par la mise en place d’Espace Tests Agricoles et la mise à disposition de parcelles appartenant à la collectivité pour le fauchage et le pâturage. L’intercommunalité s’est saisie de cette compétence pour jouer un rôle d’intermédiaire et d’interlocuteur auprès des agriculteurs, et les mettre en dialogue.
Cela a conduit l’ex-communauté d’agglomération, appuyée par l’Agence d’Urbanisme de la Région Havraise (AURH), à développer, sur le modèle de la toile industrielle de Dunkerque, une « toile alimentaire », carte interactive qui « permet d’appréhender le système économique alimentaire du territoire. Son analyse vise notamment à identifier les connecteurs manquants et favoriser l’émergence d’opportunités économiques »
Le Fonds d’Initiative Locale pour l’agriculture permet de financer des projets et des investissements d’agriculteurs locaux dans les domaines de l’alimentation en circuits courts, de projets d’agriculture durable et la pédagogie et le tourisme à la ferme.
Enfin, depuis 2017, la municipalité a mis en place, au travers de sa politique Le Havre Nature, différents appels à projets, pour accompagner le développement d’initiatives citoyennes de verdissement de la ville, avec une visée de développement de lien social et d’appropriation de l’espace public. Elle accompagne des projets tant d’aménagement paysager que des jardins partagés, et met en place, de son côté, des réponses aux enjeux de reconquête de la biodiversité et aux enjeux environnementaux, via de l’éco-pâturage
Un projet parmi d’autres : les jardins du perrey
Porté par des habitants, du quartier mais pas uniquement, utilisant les outils numériques pour s’organiser et le système D pour s’équiper, le projet des Jardins du Perrey vise à occuper une bande de terre désaffectée au coeur d’un quartier résidentiel de front de mer. Depuis 2 ans, ils plantent légumes et aromatiques, et embellissent utilement ces carrés de terre, sans autorisation préalable, mais avec la volonté de partager autant les tâches que les fruits de leur travail. De manière générale, l’engagement des citoyens dans le verdissement de leur espace de vie est majoritairement présenté comme un vecteur d’émancipation, et l’expression d’une revendication du droit à la ville.
L’enjeu est de renouer avec l’idée d’une ville comestible, où chaque espace vert a une utilité autre que d’être regardé, où chaque espace public laisse place à une appropriation collective et non exclusive, où les espaces « délaissés » ne le sont plus et font l’objet d’une valorisation comestible.

En s’appropriant et en entretenant un interstice délaissé, le citoyen devient ainsi co-producteur d’espace public autant que de service public. Représentant moins une transgression de la loi qu’une « ruse », on pourrait rapprocher «Les jardins du Perrey» du hacking, ce bricolage ludique, exploitant les vulnérabilités d’un système dans le but enthousiaste de le dépasser, au même titre que les Guérillas Jardinières ou le Mouvement des Incroyables Comestibles.

Ce jardinage «tactique» s’inscrit dans le mouvement de renaissance des Communs. Les communs sont définis par trois critères :
– une ressource partagée
– une communauté d’utilisateurs et de producteurs liés par des droits, des obligations réciproques, et des valeurs partagées
– un système de gouvernance souple, impliquant l’ensemble des parties prenantes
Ni public, ni privé, le commun est une expérimentation, à des échelles différentes d’une auto-organisation, qui met en pratique la responsabilité citoyenne dans la ville. La naturalisation récente des villes est autant le but que l’origine de nombreux Communs.
Devant le succès du projet, le collectif a répondu à l’appel à projets Nature en ville lancé par la municipalité pour transformer en potager urbain permacole et ouvert à tous-tes, le triangle vert à l’angle de l’avenue Foch et du Boulevard François 1er. Cette nouvelle visibilité et le changement d’échelle du projet s’accompagnera de la contrainte de devoir donner au lieu un aspect paysager fort, d’entretenir esthétiquement l’espace, de faire grandir le collectif. C’est une graine semée de plus vers une ville résiliente, un maillon supplémentaire de la toile alimentaire, issu des citoyens, à l’intention de tous, et encouragé par la collectivité.

Pour aller plus loin : http://www.revuesurmesure.fr/issues/natures-urbaines-et-citoyennetes/la-ville-comestible